La première étape d'une analyse de sol consiste généralement à analyser les concentrations totales. Dans le cas d'hydrocarbures (HCT & HAP), BTEX et polychlorobiphényles (PCB), si les concentrations totales rencontrées dépassent les seuils proposés, nous préconisons par principe de précaution de ne pas planter de fruitiers en libre accès sur ce sol (Tableau 1). Ces cas de figures restent isolés, et ne sont que ponctuellement contraignants. Pour les éléments traces (ET), si les concentrations totales dépassent les seuils d'attention proposés pour un ou plusieurs ET, cela ne signifie pas forcément que l'on ne peut pas planter, mais plutôt qu'il faut être vigilant au sujet de ces dépassements. Nous proposons dans ce cas de figure de réaliser une analyse complémentaire sur la fraction extractible en ET.
Si le sol analysé présente une contamination aux pesticides, il est préconisé de réaliser une étude de fruits cultivés sur ce sol avant de prévoir ou non une plantation (voir Etape 3). Par principe de précaution, il faudra cependant toujours envisager un scénario de plantation alternatif, sur un site où les sols ne présentent pas de contamination aux pesticides.
L'analyse de la fraction extractible va permettre de comprendre si la fraction totale en éléments traces détectée lors de l'analyse du sol est stable ou mobile. Si elle est mobile, elle sera plus accessible pour le vivant. Nous proposons d'utiliser comme seuils d'attention la gamme des valeurs fréquentes attendues dans un sol lors d'une extraction au NH4NO3 (tiré de la norme ISO 19730 : 2008 , Tableau 2).
Si les concentrations en éléments traces mesurées dans la fraction extractible sont inférieures aux valeurs seuils de cette gamme, alors le fruitier peut être planté. Dans le cas contraire, il y a une potentialité de migration d'un ou de plusieurs ET depuis le sol vers les fruits via le système vasculaire de l'arbre. Nous préconisons alors d'analyser directement les fruits pour être sûr que ceux-ci ne sont pas contaminés lorsque l'arbre est mis en croissance sur le sol incriminé.
Éléments traces :
Si l'opérateur décide directement sans passer par les étapes 1 et 2, ou bien s'il y est contraint, il peut procéder à une analyse de fruits issus d'arbres en croissance sur un sol suspecté ou connu comme étant contaminé. Deux cas de figures existent alors :
Les analyses de fruits fournissent des données soit sur masse fraiche (MF) soit sur masse sèche (MS). Les valeurs seuils pour les éléments traces proposées dans l'outil sont listées dans le Tableau 3. Si le fruit analysé présente des valeurs au-delà de ces seuils, nous préconisons de ne pas réaliser la plantation. Dans le cas contraire, les arbres peuvent être plantés, et les fruits consommés, sous réserve d'un monitoring régulier des concentrations en ET (a minima tous les 4 ans).
Voir Tableau 3 : Valeurs seuils en éléments traces préconisées sur la base de la littérature.
Pesticides :
Les pesticides dans les sols urbains peuvent être recherchés dans le cadre d'aménagements tels que la plantation de couverts végétaux, soit par mesure de précaution, soit sur la base d'éléments relatifs à l'activité antérieure du site (ex. activité agricole). Il n'existe cependant pas à l'heure actuelle d'obligation règlementaire à réaliser cette meure. Dans ce contexte, il est proposé de motiver la recherche de pesticides sur la base d'informations précises :
Si nous ne sommes pas dans un de ces trois cas de figure, il n'est pas primordial de réaliser une analyse de pesticides dans les sols avant d'y planter un fruitier.
Si une analyse de pesticides est réalisée, il est proposé d'utiliser les seuils de quantification des laboratoires pour la mesure des pesticides dans les sols comme « signaux d'alerte ».
Si les concentrations en pesticides investigués sont pour chacun d'entre eux inférieures à la limite de quantification définie par le laboratoire, une plantation de fruitiers peut être réalisée sans investigation complémentaire relative à cette famille.
À l'inverse, si des concentrations excèdent les limites de quantification, et ce dans une proportion significative, une investigation complémentaire peut être menée par analyse des fruits. Les valeurs seuils permettant de s'assurer de l'innocuité du fruit consommé sont les limites maximales de résidus (LMR). Les valeurs des LMR sont régies par le règlement (CE) N° 396/2005 du Parlement européen concernant les limites maximales applicables aux résidus de pesticides présents dans ou sur les denrées alimentaires et les aliments pour animaux d'origine végétale et animale. Ce règlement est actualisé au fur et à mesure des connaissances acquises. Les valeurs actualisées en temps réel des LMR sont accessibles sur le site de l'UE à l'adresse suivante https://food.ec.europa.eu/plants/pesticides/eu-pesticides-database_en
Si un doute émerge sur le risque d'exposition aux éléments traces à l'issue de l'analyse des concentrations totales dans les sols (voir ci-dessus), une analyse complémentaire peut être réalisée sous forme d'une analyse de la fraction extractible (la plus susceptible de migrer dans le vivant).
Les solvants pouvant être utilisés pour ces extractions sont en général:
Cette analyse de la fraction extractible est cependant peu réalisée à l'heure actuelle. Pourtant, elle est parfaitement complémentaire de l'analyse des concentrations totales en éléments traces puisque qu'elle explique la capacité de la contamination détectée à migrer depuis le sol vers le vivant. Cette capacité dépend de nombreux facteurs dont le pH du sol, sa texture, l'âge de la contamination, etc.
Pour mesurer l'exposition des fruits, une culture en conditions réelles est nécessaire. Trois options s'offrent au gestionnaire :
1. Une plantation en conditions de terrain de plants de fruitiers appartenant à l'espèce prévue sur le site. Cette option est la plus proche des conditions réelles mais elle nécessite de laisser l'arbuste ou l'arbre se développer jusqu'à sa maturité. Dans le cas d'arbustes l'option est réaliste, mais dans le cas d'arbres à croissance plus lente elle ne l'est pas. La plantation est à privilégier dans les cas où elle réalisable au regard du calendrier d'aménagement du site, ou bien encore lorsque des fruitiers matures sont déjà en place. Les fruits de l'arbre/arbuste sont alors récoltés en conditions réelles pour analyse.
2. Un transplant sur site d'arbres ou arbustes déjà matures et appartenant à la même espèce que les plantations prévues. Les individus transplantés en hiver sont laissés en croissance a minima pendant toute une saison de végétation (voire deux si possible) dans les sols du site. Les fruits y sont ensuite récoltés en conditions réelles, en été, pour analyse. Cette option peut se substituer à l'option 1 et fournir une information proche des conditions réelles sur un pas de temps plus court. Elle est cependant lourde à mettre en œuvre.
3. L'utilisation d'un végétal à croissance rapide utilisé comme bioindicateur des niveaux d'exposition.
Le bioindicateur est mis en croissance dans les sols du site (soit directement dans le sol du terrain, soit dans des mésocosmes dédiés.
Ce point peut être discuté avec un expert « sol/végétal » le cas échéant).
Il y est laissé en croissance pendant une saison de végétation, durant laquelle il va arriver à maturité et produire des fruits.
La tomate, au vu de son rythme de croissance et de sa propension à produire un volume conséquent de fruits à maturité, apparait comme un bioindicateur pertinent pour ce test.
Cette solution alternative peut fournir une indication pertinente, et sur un pas de temps court, de l'accumulation de contaminant dans et sur un fruit (une seule saison de végétation nécessaire).
Il est préconisé d'y recourir dans le cas où les mesures de contaminants dans les sols induisent un doute sur la possibilité de réaliser une plantation de fruitier.
En outre, un plant de tomate produit une biomasse totale inférieure à celle d'un fruitier tel qu'un prunier ou un noisetier, ce qui permettra d'éviter le biais de « l'effet dilution » (dilution de la contamination dans une biomasse conséquente).
Dans les cas où les scénarios 1 & 2 proposés ci-dessus ne peuvent pas être mis en place au regard des spécificités du site (ex. calendrier), l'option de bioindication pourra être mise en œuvre.
Nota bene : Par principe de précaution, un second bioindicateur peut être monitoré (Ex. Fraises remontantes). Ce cas de figure sera à définir en amont des analyses en fonction du degré d'incertitude associé à la contamination en présence.
Le Codex Alimentarius (FAO, version révisée de 2019) préconise des valeurs seuils en contaminants dans les denrées à destination de l'alimentation humaine. Ce texte n'a cependant pas de valeur règlementaire.
En Europe, le règlement (CE) No 1881/2006 de la commission européenne en date du 19 décembre 2006 fixe des teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires. En ce qui concerne les fruits, il ne fournit des valeurs seuils que pour les deux contaminants suivants :
En France, la DGCCRF est le relai européen du dispositif réglementaire de contrôle des contaminations des denrées alimentaires.
À ce titre elle participe aux négociations visant à définir les mesures de gestion des risques sanitaires (fixation de teneurs maximales réglementaires, définition de teneurs de référence ou de seuils d'intervention, recommandations de surveillance, etc.).
La DGCCRF ne produit pas de référentiel, elle applique ceux de l'UE et participe à leur amélioration.
Des travaux universitaires viennent également alimenter les normes règlementaires citées ci-dessus (ex. Mench & Baize, 2004 ; Esposito et al., 2019, Pelfrêne et al.2019 ; Bidar et al., 2020).
Enfin, plusieurs programmes d'études ont documenté des valeurs fréquentes en éléments traces dans les fruits à destination de l'alimentation humaine (ex. base de données BAPPET, 2012, programme ADEME PHYTEXXPO, 2017). Ces travaux fournissent des données sur les teneurs attendues en éléments traces dans les fruits, mais ils ne renseignent pas sur les polluants organiques (HCT, HAP, BTEX, PCB, etc.).
1. CONTAMINANT
Est considéré comme contaminant tout élément dont la concentration dans une matrice dépasse les valeurs fréquentes attendues pour la matrice en question, dans un espace défini.
Les contaminants des sols en milieu urbain sont en premier lieu les éléments traces (notion englobant les métaux tel que le plomb, le cadmium, etc. et les métalloïdes, tel que l'Arsenic) et les hydrocarbures (ex. Hydrocarbures Totaux HCT, Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques, HAP).
Plus ponctuellement, on retrouvera des contaminants spécifiques tels que les PCB (polychlorobiphényles), les BTEX (benzène, Toluène, Ethylène, Xylène), ou des pesticides, à titre d'exemple.
2. POLLUANT
Est considéré comme polluant tout contaminant présent dans une matrice sous action de l'homme.
3. XENOBIOTIQUE
Toute substance retrouvée dans une matrice, mais n'y étant pas présente à l'état naturel (ex. PCB dans un sol).
4. VALEUR FRÉQUENTE
La notion de valeurs fréquentes traduit pour un sol, une masse d'eau ou un végétal, les seuils en dessous desquels les concentrations en contaminants sont attendues pour un territoire donné.
Si la concentration pour un contaminant dépasse ce seuil, une étude peut être menée pour en estimer les conséquences environnementales et/ou sanitaires au regard de l'usage actuel ou futur du milieu (ex. Plantation de fruitiers).
5. CONCENTRATIONS TOTALES
Ces concentrations renseignent sur l'intégralité du pool d'éléments traces et/ou xénobiotiques (HCT, HAP, PCB, BTEX, pesticides, etc.) présents dans un sol ou un végétal.
Dans un sol, elles renseignent sur la disponibilité potentielle des éléments et substances en présence.
Analogie : combien ai-je de balles dans mon fusil ? (Notion de source)
6. FRACTION EXTRACTIBLE
Cette fraction renseigne sur :
Analogie : Parmi mon lot de balles, combien puis je réellement tirer avec mon fusil ? (Notion de vecteur)
7. IONOME
Généralement exprimé en µg ou mg/kg de matière sèche, ces concentrations renseignent sur la teneur en éléments traces et/ou xénobiotiques dans les tissus du vivant (plantes, mésofaune, etc.).
Analogie : combien de balles ont atteint ma cible ? (Notion de récepteur)
8. TOXICITE
Effet délétère sur les organismes vivant associés à la contamination en présence.
La toxicité résulte d'une somme de désordres physiologiques qui peuvent se traduire sous plusieurs forme tel qu'un retard de croissance, un impact négatif sur la production de biomasse, une diminution de l'activité reproductrice, etc.
Analogie : Quel impact les balles ayant atteint la cible ont-elles eu sur elle ? (Notion de toxicité)